" Un type qui écrit est difficile à supporter. Un type qui ne parvient pas à écrire est invivable. Je laissais toujours le volume du téléphone réglé au minimum. J'en faisais une affaire de principe. Une dérisoire compensation que je me sentais tenu d'offrir à ma femme et à ma fille : j'étais invivable, mais au moins avais-je l'élégance d'être le moins bruyant possible … ".
De l’élégance, comme Jean-Marc Parisis cité plus bas, Jean-Christophe Gérard n’en manque pas. Mais cette élégance, au contraire de son personnage Fabien Gabryel, ne résulte pas de son silence mais bien des mots, assemblés avec un soin particulièrement minutieux, tout au long de son roman " Le Bûcher de la salamandre ". In fine, si l’histoire et l’intrigue ont bien évidemment leur importance, on s’aperçoit qu’on s’est laissé littéralement emporter, au fil des phrases et des chapitres, dans une ambiance que ne renieraient pas un Raymond Carver ou un Frédric Brown. Car Jean-Christophe Gérard a réussi, sans le vouloir m’a-t-il assuré, à écrire un roman à l’Américaine (bien que l’action se déroule à Lille et dans ses environs) sans sombrer dans les encriers larges comme des coffres-forts dans lesquels Marc Levy et Guillaume Musso plongent leur grosse plume sans poésie. Jean-Christophe Gérard est donc une sorte de Monsieur Jourdain moderne, qui fait de l’excellente prose façon " atmosphère américaine " sans le savoir… L’atmosphère en question, on y est baigné dès les premières lignes et, croyez-moi, on ne s’en extrait pas si facilement. Le Bûcher de la salamandre est un roman à l’humour désenchanté, bien sombre comme il faut, avec des personnages rugueux et visités par leur auteur jusqu’au plus profond de leur âme passablement tordue. A lire lentement, à siroter comme un vieil alcool, un Havane aux lèvres, au fond d’un vieux fauteuil au cuir usé. Prévoir plusieurs heures car, avec ce genre de livre, on apprend l’art du dosage : vous aurez, très tôt dans le roman, vraiment envie d’en savoir plus tout en voulant économiser votre lecture, histoire ne pas arriver trop rapidement au mot " fin ". Après, vous vous lèverez de votre fauteuil, vous irez vous chercher une bière bien glacée dans le réfrigérateur. Vous la boirez par petites rasades, en observant la rue par la fenêtre, les yeux vaguement plissés pour filtrer la lumière un peu trop crue. Et vous vous direz, pour vous-même : " mince, c’est déjà fini… Vivement qu’il sorte un autre bouquin, Jean-Christophe Gérard… ". Il paraît qu’il en prépare un autre, justement. Ca tombe plutôt bien. Il suffit d’attendre. Pour patienter, vous pouvez toujours relire " Le Bûcher de la salamandre "…
Le Bûcher de la salamandre – Jean-Christophe Gérard - Editions Ravet-Anceau.
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